Bail commercial et crise sanitaire : quels recours pour contester les fermetures administratives en 2025 ?

Alors que la France émerge progressivement des restrictions liées aux crises sanitaires passées, les professionnels s’interrogent sur leurs droits face à d’éventuelles nouvelles fermetures administratives. Dans un contexte où la résilience économique devient primordiale, quelles sont les solutions juridiques dont disposent les commerçants pour faire face à ces situations exceptionnelles ? Analyse des recours juridiques envisageables en 2025.

Le cadre juridique des fermetures administratives en 2025

En 2025, le cadre juridique entourant les fermetures administratives s’est considérablement étoffé suite aux expériences des crises précédentes. Le Code de la santé publique, modifié par plusieurs lois successives, confère toujours aux autorités le pouvoir d’imposer des fermetures d’établissements en cas de menace sanitaire grave. Cependant, ces décisions doivent désormais respecter un principe de proportionnalité renforcé et s’accompagner de mesures compensatoires plus substantielles.

Les décrets et arrêtés préfectoraux demeurent les instruments juridiques privilégiés pour imposer ces restrictions. Toutefois, le législateur a intégré dans les textes une obligation d’évaluation régulière de la nécessité des mesures, avec une clause de revoyure systématique tous les 15 jours. Cette évolution témoigne d’une volonté de limiter l’impact économique tout en préservant la santé publique.

Les commerçants doivent être particulièrement attentifs aux nouvelles dispositions du Code de commerce qui ont intégré des articles spécifiques concernant les baux commerciaux en période de crise sanitaire, notamment les articles L.145-15-1 et suivants, créés spécifiquement pour encadrer ces situations exceptionnelles.

La force majeure et l’imprévision : des notions revisitées

La jurisprudence post-COVID a considérablement fait évoluer l’application des concepts de force majeure et d’imprévision dans le contexte des baux commerciaux. En 2025, la Cour de cassation a établi une doctrine plus précise, distinguant les situations où la fermeture administrative constitue un cas de force majeure de celles où elle relève de l’imprévision.

Pour être qualifiée de force majeure, la fermeture doit présenter un caractère d’imprévisibilité lors de la conclusion du bail ou de son renouvellement. Les baux signés après 2020 intègrent souvent des clauses spécifiques relatives aux risques sanitaires, rendant plus difficile l’invocation de ce moyen. Néanmoins, de nouvelles formes de crises sanitaires, substantiellement différentes de celles connues précédemment, peuvent toujours ouvrir la voie à cette qualification.

L’imprévision, codifiée à l’article 1195 du Code civil, offre une alternative intéressante. Elle permet de demander une renégociation du contrat lorsqu’un changement de circonstances, imprévisible lors de la conclusion du contrat, rend l’exécution excessivement onéreuse. Les conseils d’un avocat spécialisé en droit commercial sont souvent déterminants pour évaluer la pertinence de ce fondement juridique dans votre situation particulière.

Les recours administratifs et contentieux

Face à une décision de fermeture administrative, les commerçants disposent de plusieurs voies de recours en 2025. Le recours gracieux auprès de l’autorité ayant pris la décision constitue une première démarche, souvent préalable à toute action contentieuse. Ce recours doit être motivé par des arguments précis, notamment l’absence de proportionnalité de la mesure ou l’existence d’alternatives moins préjudiciables.

Le référé-liberté devant le juge administratif s’est imposé comme un outil efficace pour contester rapidement les fermetures administratives. Ce recours, prévu par l’article L.521-2 du Code de justice administrative, permet de faire suspendre une mesure portant une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, comme la liberté du commerce et de l’industrie. La jurisprudence récente du Conseil d’État a précisé les critères d’évaluation de la proportionnalité des mesures sanitaires.

Le recours pour excès de pouvoir reste également pertinent pour contester la légalité d’un arrêté de fermeture, notamment lorsque celui-ci semble insuffisamment motivé ou fondé sur des données sanitaires contestables. Les délais de jugement étant plus longs, ce recours s’avère plus adapté à une stratégie de long terme ou à la recherche d’indemnisations ultérieures.

Les négociations avec les bailleurs et les clauses spécifiques

La négociation directe avec le bailleur demeure une voie privilégiée et souvent plus rapide que les recours contentieux. En 2025, de nombreux propriétaires ont intégré les leçons des crises précédentes et sont plus enclins à trouver des solutions amiables pour préserver la pérennité de leurs locataires commerciaux.

Les clauses COVID ou plus largement les clauses de crise sanitaire sont désormais courantes dans les nouveaux baux commerciaux. Ces dispositions prévoient généralement une réduction automatique ou une suspension partielle du loyer en cas de fermeture administrative. Pour les baux ne comportant pas ces clauses, la renégociation peut s’appuyer sur le principe de bonne foi contractuelle et sur l’intérêt commun des parties à maintenir la relation commerciale.

Les protocoles d’accord temporaires constituent une solution pragmatique, permettant d’adapter les obligations des parties pendant la durée de la crise sans modifier durablement le bail. Ces accords peuvent prévoir des échelonnements de paiement, des réductions temporaires, voire des franchises de loyer compensées par une prolongation de la durée du bail.

L’indemnisation par l’État et les dispositifs d’aide

En 2025, le cadre juridique de l’indemnisation par l’État des préjudices liés aux fermetures administratives s’est considérablement structuré. La responsabilité sans faute de l’État pour les dommages causés par des mesures légalement prises dans l’intérêt général est désormais clairement encadrée par la jurisprudence du Conseil d’État.

Les commerçants peuvent engager la responsabilité de l’État devant les juridictions administratives lorsque les mesures de fermeture leur ont causé un préjudice anormal et spécial. Les critères d’évaluation de ce préjudice ont été précisés, prenant notamment en compte la durée de la fermeture, l’impact sur le chiffre d’affaires et les possibilités d’adaptation de l’activité (vente à emporter, click and collect).

Parallèlement, les dispositifs d’aide économique se sont institutionnalisés. Le Fonds de solidarité, initialement temporaire, a été pérennisé sous forme de Fonds de résilience économique, activable rapidement en cas de nouvelle crise. Les conditions d’éligibilité et les montants des aides sont désormais prévus par des textes permanents, offrant une meilleure prévisibilité aux entreprises.

Les stratégies juridiques préventives

L’expérience des crises passées a conduit à l’émergence de stratégies préventives dans la rédaction et la gestion des baux commerciaux. Les professionnels avisés intègrent désormais systématiquement des clauses de flexibilité permettant d’adapter les obligations contractuelles en cas d’événements exceptionnels.

La diversification des activités constitue également une stratégie juridique préventive. L’inscription au bail et au Kbis d’activités complémentaires permet, en cas de fermeture ciblant certains secteurs, de maintenir une partie de l’exploitation. Cette approche s’est révélée particulièrement efficace lors des restrictions sectorielles imposées pendant les crises précédentes.

Enfin, la souscription d’assurances spécifiques couvrant les pertes d’exploitation liées aux fermetures administratives s’est développée. Bien que coûteuses, ces polices offrent une sécurité supplémentaire et peuvent s’avérer déterminantes pour la survie de l’entreprise en période de crise. Les contrats doivent être minutieusement étudiés pour vérifier l’étendue exacte des garanties proposées.

Face à l’incertitude persistante concernant les risques sanitaires futurs, les commerçants doivent adopter une approche proactive de leurs relations contractuelles. L’anticipation juridique, la diversification des activités et la connaissance précise des recours disponibles constituent les meilleures protections contre les conséquences économiques des fermetures administratives. Si chaque crise présente ses spécificités, l’arsenal juridique développé depuis 2020 offre désormais un cadre plus protecteur pour les exploitants de fonds de commerce.