Droit de la Copropriété: Les Nouveautés Réglementaires qui Transforment la Gestion Collective des Immeubles

Le droit de la copropriété connaît actuellement une profonde mutation. Entre la loi ELAN, les ordonnances de 2019 et les récentes évolutions législatives, les règles régissant la vie collective des immeubles se modernisent à grande vitesse. Ces changements, souvent techniques mais aux conséquences très concrètes, redessinent les relations entre copropriétaires, syndics et conseils syndicaux. Décryptage des principales nouveautés qui affectent le quotidien de 10 millions de Français vivant en copropriété.

La réforme structurelle issue de l’ordonnance du 30 octobre 2019

L’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 a constitué une véritable révolution pour le droit de la copropriété. Ce texte, entré pleinement en vigueur le 1er juin 2020, a profondément remanié la loi du 10 juillet 1965, texte fondateur du régime de la copropriété en France. L’objectif affiché par le législateur était de simplifier et moderniser un cadre juridique devenu trop complexe au fil des décennies.

Parmi les innovations majeures, on note la redéfinition même de la notion de copropriété. Désormais, l’article 1er de la loi précise que « la présente loi régit tout immeuble bâti ou groupe d’immeubles bâtis à usage total ou partiel d’habitation dont la propriété est répartie par lots entre plusieurs personnes ». Cette nouvelle définition clarifie le champ d’application du statut de la copropriété et exclut notamment les ensembles immobiliers complexes qui peuvent désormais opter pour d’autres formes juridiques.

La réforme introduit également une simplification des prises de décision lors des assemblées générales. De nombreuses résolutions qui nécessitaient auparavant une majorité renforcée peuvent désormais être adoptées à la majorité simple (article 24) ou à la majorité absolue (article 25). Cette évolution facilite la gestion quotidienne des copropriétés et permet d’éviter les situations de blocage qui paralysaient parfois des projets essentiels.

La dématérialisation des assemblées générales et le vote par correspondance

La crise sanitaire a servi d’accélérateur à la dématérialisation des processus de décision en copropriété. La loi du 23 novembre 2018, dite loi ELAN, avait déjà ouvert la voie à la possibilité de tenir des assemblées générales par visioconférence. Mais c’est véritablement l’ordonnance du 20 mai 2020, prise dans le contexte de la pandémie de COVID-19, qui a généralisé cette pratique.

Aujourd’hui, l’article 17-1 A de la loi de 1965 consacre définitivement la possibilité de participer aux assemblées générales par visioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique. Cette innovation majeure facilite la participation des copropriétaires et permet d’atteindre plus facilement les quorums nécessaires aux prises de décision.

Parallèlement, le vote par correspondance a été instauré comme un droit pour tous les copropriétaires. L’article 17-1 A alinéa 2 prévoit désormais que « les copropriétaires peuvent voter par correspondance avant la tenue de l’assemblée générale » au moyen d’un formulaire établi conformément à un modèle fixé par arrêté. Cette modalité de vote, qui existait déjà dans d’autres domaines du droit, permet aux copropriétaires qui ne peuvent être présents de participer néanmoins aux décisions collectives. Pour plus d’informations sur les modalités pratiques de mise en œuvre de ces nouveaux dispositifs, vous pouvez consulter les guides pratiques de droit immobilier qui détaillent les procédures à suivre.

Le renforcement des pouvoirs du conseil syndical

La réforme de 2019 a considérablement renforcé le rôle et les pouvoirs du conseil syndical, cette instance représentative des copropriétaires qui assure un lien entre ces derniers et le syndic. L’objectif est de permettre une gestion plus efficace et plus proche des préoccupations des résidents.

L’article 21 de la loi de 1965, modifié par l’ordonnance du 30 octobre 2019, précise que le conseil syndical « assiste le syndic et contrôle sa gestion ». Mais au-delà de cette mission générale, plusieurs dispositions nouvelles élargissent concrètement ses prérogatives.

Ainsi, le conseil syndical peut désormais se voir déléguer par l’assemblée générale un pouvoir décisionnel pour des actions relevant normalement de cette dernière, à l’exception de questions essentielles comme le vote du budget. Cette délégation, prévue à l’article 21-1, peut être accordée pour une durée maximale de deux ans.

Par ailleurs, la mise en concurrence obligatoire du contrat de syndic est désormais placée sous la responsabilité du conseil syndical. L’article 21 alinéa 4 dispose que « lorsque l’assemblée générale est appelée à se prononcer sur la désignation d’un syndic, le conseil syndical procède à une mise en concurrence de plusieurs projets de contrats de syndic ». Cette disposition renforce le pouvoir de contrôle des copropriétaires sur les conditions de gestion de leur immeuble.

La simplification du statut des petites copropriétés

Conscient que le régime général de la copropriété pouvait s’avérer trop contraignant pour les petits ensembles immobiliers, le législateur a instauré un régime simplifié pour les copropriétés de moins de cinq lots. Ce régime, codifié aux articles 41-1 à 41-23 de la loi de 1965, allège considérablement les obligations administratives et les coûts de gestion.

Dans ces petites copropriétés, la désignation d’un syndic n’est plus obligatoire si l’assemblée générale n’en décide pas autrement. La gestion peut alors être assurée directement par les copropriétaires, selon des modalités qu’ils déterminent librement. De même, la constitution d’un conseil syndical devient facultative.

Le formalisme des assemblées générales est également allégé : les décisions peuvent être prises à l’unanimité sans convocation préalable, par la signature d’un document par tous les copropriétaires. Cette souplesse permet d’adapter la gouvernance aux réalités d’immeubles où les copropriétaires sont peu nombreux et se connaissent généralement bien.

Pour les copropriétés comprenant entre 5 et 15 lots, un régime intermédiaire a également été mis en place, avec notamment la possibilité de tenir une seule assemblée générale tous les deux ans si la copropriété est gérée par un syndic professionnel.

La gestion des copropriétés en difficulté et les procédures de redressement

Face à l’augmentation du nombre de copropriétés dégradées ou en situation financière critique, le législateur a renforcé les dispositifs de prévention et de traitement des difficultés. L’ordonnance du 30 octobre 2019 a notamment modifié les articles 29-1 à 29-15 de la loi de 1965 pour créer un véritable droit des copropriétés en difficulté, inspiré du droit des entreprises en difficulté.

Désormais, les mesures de sauvegarde peuvent être déclenchées plus facilement, notamment sur demande du maire ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale. Le juge dispose d’un panel élargi de mesures, allant de la désignation d’un administrateur provisoire à la possibilité de scinder une copropriété trop importante pour être gérée efficacement.

L’ordonnance du 30 octobre 2019 a également créé une nouvelle procédure de carence, permettant de déclarer l’état de carence d’un syndicat lorsque « l’équilibre financier du syndicat des copropriétaires est gravement compromis ou lorsque le syndicat est dans l’impossibilité de pourvoir à la conservation de l’immeuble ». Cette procédure, prévue à l’article 29-12 de la loi, peut aboutir à l’expropriation de l’ensemble immobilier, permettant ainsi sa restructuration complète.

Les nouvelles obligations environnementales des copropriétés

La transition écologique constitue un enjeu majeur pour les copropriétés, qui représentent une part importante du parc immobilier français et de sa consommation énergétique. Plusieurs textes récents ont introduit de nouvelles obligations en matière environnementale.

La loi Climat et Résilience du 22 août 2021 a notamment imposé la réalisation d’un Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) collectif pour toutes les copropriétés à usage principal d’habitation. Ce diagnostic doit être complété par un projet de plan pluriannuel de travaux, soumis au vote de l’assemblée générale.

Par ailleurs, l’individualisation des frais de chauffage est devenue obligatoire dans les immeubles équipés d’un chauffage collectif, sauf impossibilité technique ou coût excessif. Cette mesure, prévue par le décret du 22 mai 2019, vise à responsabiliser les copropriétaires quant à leur consommation énergétique.

Enfin, la loi ELAN a facilité l’installation de bornes de recharge pour véhicules électriques dans les parkings des copropriétés, en simplifiant les procédures d’autorisation. Le droit à la prise est désormais reconnu comme un droit fondamental du copropriétaire, qui ne peut se voir opposer qu’un motif sérieux et légitime par le syndicat des copropriétaires.

Les récentes évolutions du droit de la copropriété témoignent d’une volonté claire du législateur d’adapter ce régime aux enjeux contemporains : simplification administrative, digitalisation des procédures, transition écologique et traitement des situations de crise. Ces réformes, bien que techniques, ont un impact direct sur le quotidien des millions de Français vivant en copropriété. Elles constituent un effort notable pour moderniser un statut juridique qui, plus d’un demi-siècle après sa création, reste un pilier fondamental du droit immobilier français. Les copropriétaires et les syndics doivent désormais s’approprier ces nouveaux outils pour une gestion plus efficace et plus harmonieuse des immeubles collectifs.